De ma fenêtre

De ma fenêtre
Toulouse, 5 juillet 2014, 21h15

samedi 27 décembre 2014

La nuit 33


Cette nuit, j'ai cru que ce serait la dernière,
on se raconte de ces histoires, parfois,
mais là, est-ce la coquille Saint-Jacques,
hier soir, restée intacte dans mon assiette,
je suis trop sensible au devenir des êtres,
et le mien, souvent, me laisse indifférent,
j'ai plongé tout au fond, où le sable est bleu,
où le moindre remous soulève des nuages
mordorés dans le faisceau de la frontale,
les coquilles sont des bouches de nacre,
elles s'ouvrent et se ferment doucement,
ou, selon les besoins, très vite, et là, filent
dans une petite bourrasque de poussière
marine, je m'approche et elles me voient,
leurs petits yeux réfléchissent la lumière
de ma lampe, elles me scrutent, m'épient,
je pénètre par effraction dans leur mollesse,
je n'ai pas pu avaler la plus petite bouchée,
prisonnier de l'éventail plat dont les côtes
étaient devenues des montagnes rugueuses,
celles que péniblement je tentais de franchir,
folle jeunesse, en pédalant vers Compostelle,
une concha accrochée au guidon, clef miracle
pour ouvrir les portes secrètes de mon âme,
désormais réduite à un souvenir de mollusque,
noyée dans la mémoire d'un godefiche ensablé,
perdue dans les profondeurs de l'océan en furie,
jusqu'à ce qu'un coquillier la tire du néant,
la jette dans une caisse, et de fil en aiguille,
qu'elle se retrouve dans mon assiette, mon âme,
et la nuit m'a tout juste suffit à l'extirper de là,
je transpirais dans le froid du cloaque de chair,
me retrouvant au moment où l'univers balbutiait,
où le temps commençait à dérouler son fil,
je finis par remonter lentement jusqu'au lit,
sous le regard extatique d'une coquille,
tremblant d'avoir failli manger mon âme.

(27 décembre 2014)

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