De ma fenêtre

De ma fenêtre
Toulouse, 5 juillet 2014, 21h15

jeudi 31 juillet 2014

Les poches


Dans ses poches il y a tout
ce qui lui passe par la tête
visages mains s'en échappent
peu d'idées mais rires et chants
et la maison vide où résonnent
des voix des échos chuchotés
bribes amoureuses matins d'été
balcon sur la rue le soleil inonde
le basilic en pot géranium capucine
il gicle sur le voile des rideaux
nappe et buffet en feu bols fumants
pain tranché confiture un halo de
sommeil fait frissonner le platane.

Dans ses poches le brouhaha des nuits
la douceur des draps froissés corps
enlacés et fraîcheur des étoiles
souffles et peurs aussi le réverbère
pique les yeux des chats énervés
des effluves marins étalent sur les murs
de jaunes lambeaux salés du naufrage
à venir visages mains voix volettent
devant lui au détour du chemin sans
du tout se soucier de savoir s'il est là
ou pas mains dans les poches ou non.

(31 juillet 2014)

Le visage


Il pose ses mains
sur son visage
mais son visage
ne se tait pas
il ne peut plus se taire
brûlé par le silence
et ses lèvres et sa langue
et ses yeux
n'arrêtent pas de quoi
de creuser de chercher
de parler parler encore
à qui cela il ne le sait
visage au creux des paumes
dans le puits de ses mains
à peine frémissant
ne s'apaise pas
il regarde ses doigts
c'est encore son visage
ses bras serrés
autour du paysage marin
où fleuves et forêts
villes et montagnes
ciel d'hier et du matin
le ciel de tous les jours
de toutes les nuits
et l'invisible océan
sa houle ses vagues jetées
en meute sur le rivage
sont encore son visage
ses remous ses hauts-fonds
il pose ses yeux
sur les nuages froissés
le vent fouette son front
sur la dune tremblent les oyats
il suit le sentier dans la pinède
se perd dans ses mains
lance au loin son visage
pour accueillir
la pluie la terre le parfum
des landes des troupeaux
des années des regards
qu'il n'a pas su croiser
sauf en un rêve enfui
il pose son visage
dans ses mains et
voit des yeux
ce sont pas les siens.

(31 juillet 2014)
Capbreton, 27 août 2010, 17h51. ©JJMarimbert


mercredi 30 juillet 2014

La chambre


Deux fois rien petit craquement
au fond du couloir un insecte perdu
travail du bois fêlure du plâtre
et la chambre a bougé
l'air délié est plus subtil
je ne sais elle flotte
chaise bureau livres
le lit roule draps envolés
ma lampe un bel oiseau et
les rideaux le tapis marocain
n'ont pas même couleur
leur présence est floue
je ne sais tout s'est mis à

ballottés par les hauts-fonds
le carrelage à losanges dont
les vagues me bercent et
je souris
murs gonflés d'embruns
brise fraîche ou pas un souffle
tout pend au ciel de lune
comme linge à midi
ou la tempête rage et là
la fenêtre bat si fort
les vieux volets gémissent
le balcon tangue
le fleuve d'un vert tropical
tire les berges à lui
il faut le voir pour

corps et arbres rongés
ou la montagne tremble
la forêt se cache au loin
les bêtes fuient dans
un nuage de poussière d'algues
je ne sais comment dire
ils courent m'appellent
une plage de sable s'évapore
le littoral sucé aspirée
sous l'effet de la houle
les paysages s'effondrent
sans bruit
la chambre flotte
lentement dérive
le vent chante sous la porte
je ne sais si je peux
la ville illuminée danse
au creux de mes mains de papier
j'aimerais embrasser embrasser.

(30 juillet 2014)

Terre


Sous la feuillée fluide
des peupliers des tilleuls
chahutés par l'autan
au sol des traces de pas
est-ce donc lui
sur ce chemin têtu
herbe couchée fleurs cassées
ou narguant la lumière
que les abeilles visitent
avant de survoler les flaques
de coquelicots et de genêts.

Il ne saura jamais où ni
pourquoi ce fil de terre et
voudrait soudain disparaître
non se fondre dans ce paysage
à l'infini tapis végétal
sans heurts ni vaine attente 
d'un rien qui tarde espéré
l'harmonie des cités
le puits d'un regard autre
alors que les arbres caressent
l'espace même le ciel le soleil
de leur ombre les pierres
en chacune de leurs feuilles
lui colle au sol et s'émerveille.

La terre emplit son corps
de sa bouche s'échappent
des mots faits de cailloux
de brindilles sèches
d'insectes affolés
en tout sens courant au hasard
en quête d'un refuge
d'une fraîcheur humide
il entend au loin un appel
incertain se remet à marcher
traverse le paysage évaporé
si proche encore
ne voit plus rien écoute
une musique à l'horizon
silhouette ou nuage.

(30 juillet 2014)

mardi 29 juillet 2014

Le large


Autour du lampadaire
aveuglés tournent
moucherons papillons
en nuées survoltées
lumière mortelle
effrayante beauté
il titube de joie
le soleil a basculé

les bateaux rentrent au port
les soldats sont fourbus
on n'écoute pas les morts
terrasses riantes chants et cris
les verres brillent
les regards s'enlacent
des enfants lancent des flèches
ornées de plumes rouges

l'ampoule au-dessus
de la porte se balance
dans le vent chaud
d'un désert en ruines
il respire le large
habité de doux visages
son ventre ses doigts
ses jambes tremblent
il chasse d'une main
un papillon ivre
tombé sur son épaule

dans la maison
des voix disent la vie
et la mort et l'amour
le départ le retour mais
aucun son ne lui parvient
silence de gouffre où volent
aigles et corbeaux
tourterelles et mésanges
debout sur la jetée
il scrute la nuit
compte les étoiles
il attend le jour.

(29 juillet 2014)
Estuaire de la Canche, 22 décembre 2005, 17h33. ©JJMarimbert


lundi 28 juillet 2014

La fenêtre


Il ne sait la fenêtre bat fort
sans vent mais non
un animal pris au piège
des reflets des rideaux
un oiseau dans les plis
se débat cherche l'air
ses ailes sur le carreau
mais la nuit oh pas la nuit
drap moite et l'empreinte
d'un sommeil en miettes
corps mâché il se lève
était-ce un cauchemar
banale et ridicule copie
des guerres des naufrages
rochers battus par la houle
des enfants déchiquetés
le rideau tremble encore
ses paupières brûlées
par la lumière et
la fenêtre grand ouverte
la rue engluée dans la pâleur
jaune des lampadaires
halos striés de papillons
les cyprès bleus l'observent
le ciel est épais
boire et passer la tête
sous l'eau ne plus voir
le temps sur ces mains
ces bras ce visage
ce n'est pas moi pense-t-il
souvenir d'une fenêtre
qui tape ou de sa peau
un corps joyeux et libre
une image des silhouettes
solaires jeux marins
il ferme les yeux l'eau
coule sur ses épaules
sa vie tient à deux trois
sensations fugaces
mêlées de rires frais.

(28 juillet 2014)
Sète, 19 juillet 2014, 22h26. ©JJMarimbert


Mélodie


L'être est mélodie
chant danse enlacement
cacophonie explosion
dispersion lassitude
silence bruit de fond
lointain mais ce matin

il s'étonne de n'être
rien de tout cela
attente regard
écoute du rien
à venir n'est pas
l'être n'est pas

se rappelle une mélodie
fredonne murmure
la joie de l'être
donne vie à
un visage espiègle
il danse enlace
se perd se trouve en
cette fragile musique

sous ses pas
le monde va
et devant lui
les grands pins
la roche bleue
le ciel du matin.

(28 Juillet 2014)
Lodève, Cathédrale, 18 juillet 2014, 14h26. ©JJMarimbert


Trois colonnes


Trois colonnes en ligne
face aux fleurs affolées
vent de mer capricieux
fait chanter la montagne
en tous sens les vagues
sur les galets déposent
de beaux navires anéantis
par les rochers pointus.

Ou bien n'est-ce que l'écho
de rencontres rêvées
d'une voix inconnue
d'une chambre murée
de tissus étalés
sur le parquet brillant
qui sous l'effet des rires
des mots lancés plein ciel
se dispersent soudain
au fond des gorges serrées.

Mots broyés consumés
poussière de regards
musique des corps séparés
par l'impossible oubli
des lèvres des mains
des souffles éteints
des visages penchés
vers l'ailleurs.

Il sort et dans la rue
croise d'autres navires
d'autres vents en furie
trois colonnes en ligne
au bout de la ville
il s'allonge sur un tapis
d'oyats agrippés à la dune
dans le murmure
de l'horizon apaisé.

(28 juillet 2014)
Toulouse, Église de la Daurade, 5 juillet 2014, 17h13. ©JJMarimbert


dimanche 27 juillet 2014

L'âne

Les cordes grincent
et le bois chante
les sabots martèlent
réguliers et puissants
tourne l'âne aveuglé
planètes encerclées
le sable craque sous
la roue millénaire
l'âne pleure-t-il
non l'âne n'est pas
il est ailleurs mais où
astre à lui seul
il traque la pluie des
profondeurs marines
foule le sol mou défoncé
en un rond de poussière
et lentement l'eau
dans le seau vide
l'absence de l'eau
désert offrande secrète
des nuits glacées
illusoire vacuité
cette image de l'âne
muscles pétrifiés par
l'inutile effort
le hante depuis l'enfance
l'âne seul et si proche
si petit et si fort.
Mais ces lentilles
qu'il mâche à présent
lui rappellent le mors
ces graines cuites
d'une vie chancelante
dans son assiette là
le relient au tragique
et lointain braiement
alors l'âne s'envole
rejoint les étoiles
joyeux Pégase déshérité
il le caresse et l'aime
qui déploie l'horizon
des grands fleuves enfouis
où il puise la force de
l'animal aux yeux bandés.

(27 juillet 2014)
Toulouse, Basilique Saint-Sernin, 28 mai 2014, 16h37. ©JJMarimbert


mardi 22 juillet 2014

Farandole


Ainsi peut-on penser
que la sensibilité est
un grand réservoir
qui se remplit se vide

ainsi peut-on croire
que dès l'enfance oui
mais oui un petit sac
plus grand plus grand

et c'est fou le monde
qu'on y trouve un tas
de gens de paysages
de villes inconnues

des animaux au bord
de routes oubliées
des repas où l'on sert
des huîtres à Noël
la peur au ventre

des visages des mots
des peaux caressées
des échecs beaucoup
gifles punitions aussi
ah mais tu n'avais qu'à
faire attention mais voilà

la sensibilité la peau non
c'est plus que la peau
ou bien la peau dedans
c'est on ne sait pas ou
on a oublié un parfum

une murmure un insecte
prisonnier d'une toile
qui fait que nous pleurons
ou les rires éclats joie
sans raison pour rire

enfin tout ça souvent
on ne le sait qu'après
bien plus tard retour
sans prévenir çà et là

on croise un regard
une mélodie fragile
on se réveille heureux
de tant de compagnons
de nuit jamais seul il
suffit de laisser être

de regarder passer la
cohorte de la vie on
est étonné de tout
ce qu'on a vu entendu
senti touché oh toucher
voir et fermer les yeux
respirer laisser venir
ce n'est jamais fini

et là soudain fraîcheur
de l'imprévu il pousse
le tout fait sa place
se met à chanter danser
lance une nouvelle
farandole non cela
ne finit jamais nous
tentons de suivre et
l'air vif nous appelle.

(22 juillet 2014)
Toulouse, Métro, 9 mars 2014, 15h51. ©JJMarimbert