De ma fenêtre

De ma fenêtre
Toulouse, 5 juillet 2014, 21h15

vendredi 26 décembre 2014

La nuit 32


La nuit souvent me protège de moi-même,
m'y cachant je m'y perds, et pourtant
m'y sens bien, non grâce aux poncifs,
spectres, fantômes, crimes, aussi bien
qu'idylles secrètes, corps alanguis,
parfum des peaux dans la torpeur de l'été,
mélange des souffles au cœur de l'hiver,
habituelle bimbeloterie offerte au naïf,
moi le premier, les lumières pâlottes
de la rue, auréolées de brouillard laiteux,
les bruits de pas, le râle d'un invisible chat,
un rire lointain suivi d'un silence écrasant,
ne laissent pas de m'inquiéter, j'y greffe l'être,
je tisse des sens farfelus, allongé dans mon lit,
tour à tour autel d'une église de campagne,
dans l'encens et la froide fumée des cierges,
pont de cargo balayé par les vents contraires,
rouillé, rongé par le sel et le soleil des îles,
tombereau de foin cahotant sur un chemin
de terre bordé de boutons d'or et de bleuets,
je sors la panoplie d'Épinal pour paravent,
sans être dupe de rien, je me tiens à l'écart,
nu comme un ver, attrapant au vol
vêtements d'emprunt et souvenirs fictifs,
dérisoire théâtre d'ombres qui m'aide
à traverser le désert de quelques heures,
me distrait de tout, ou de rien, je ne sais,
me projette dans des aventures effilochées,
et là, pantois, je retrouve peurs et joies,
sans fard, sans feinte, sans poudre ou masque,
j'achève des phrases laissées en suspens,
des gestes retenus, j'arrache la mauvaise herbe
des paroles blessantes, je malaxe le corps
de mes erreurs, de mes fautes, de ma bêtise,
je sauve des bribes éparses, fais de ma vie
un patchwork, un trampoline pour affronter
le jour naissant, si frais, accueillant, le jour nu,
drapé dans un voile de nuit persistant,
source de mystère, de création, d'amour aussi.

(26 décembre 2014)
Toulouse, 25 décembre 2014, 15h29. ©JJMarimbert


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