De ma fenêtre

De ma fenêtre
Toulouse, 5 juillet 2014, 21h15

samedi 6 décembre 2014

La nuit 22


La nuit, tous les coups sont permis,
les ombres délimitent un ring flottant,
d'énormes projecteurs m'aveuglent,
je ne vois pas les spectateurs, leurs yeux,
leurs bouches de rire et de peur, les insultes
ni les encouragements ne m'atteignent,
mais ils sont là, je suis prêt à frapper,
tentant de me parer des coups lâchés,
seul à marteler le vide, à encaisser,
en toutes les parties de mon corps,
ces directs dont j'ai le secret, uppercuts,
coup bas et autres morsures au visage,
je lâche les hyènes, la horde armée,
esquive à droite ce qui soudain m'arrive
de gauche, je sais que tout cela n'est rien,
rien que l'affrontement de ce que je traîne
depuis toujours, ce que je suis toujours,
qui me colle au cuir, cela rappelle
ces petites mouches en plein Sahara,
au petit matin, à la frontière du jour,
au coin de la bouche, au bord des narines,
des yeux chassieux, dans les oreilles et
à la naissance des cheveux, pour l'eau salée,
trompes tendues pour téter l'épiderme,
et qui reviennent et reviennent encore,
malgré l'agacement de la main, les gifles
qu'elles évitent, la fine couverture du souk
plaquée sur le visage d'un geste sec,
petites mouches soudain disparues,
remplacées par les aiguilles du soleil,
par ses mâchoires enserrant d'un seul bloc
le corps tout entier, contraint à se lever,
en une seconde debout au milieu du ring,
entouré d'un paysage vide et sublime,
de cailloux noirs, de sable sillonné
de traces de bousiers, fourbu mais ébahi
de tant de merveilles, crachant à terre
les miasmes de la nuit, les dents cassées,
les caillots collés aux joues, une main
dévissant le bouchon du bidon d'eau,
jetant au loin des regards d'enfant,
la nuit tous les coups sont permis,
la mue est à ce prix, le jour est là.

(6 décembre 2014)
Toulouse, 12 février 2012, 10h18. ©JJMarimbert


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