De ma fenêtre

De ma fenêtre
Toulouse, 5 juillet 2014, 21h15

mardi 21 juillet 2015

La ville est terrassée


La ville est terrassée par le silence des statues,
dans les allées du Jardin des Plantes
courent des canards affairés,
au Grand-Rond presque désert,
le banc est couvert de poussière pâle,
des traces de mains disent l'ennui,
la bouche sèche, la gorge serrée
devant les massifs d'hortensias brûlés,
un tricycle passe, cris et pleurs,
un genou saigne, quelle aventure,
sandale prise dans la chaîne,
voilà le corps jeté près de l'herbe,
main piquetée de gravier, front bleu,
à deux pas de la fontaine,
du nuage de vapeur vite dissipé
dans l'air exaspéré par le soleil,
le kiosque à musique est vide,
il ne faut pas pleurer, tu es un homme,
allez, la musique reviendra bien,
l'enfant, lui, se moque des tangos
qui font s'enlacer les êtres
dans les plaintes du bandonéon,
au contraire, il faut pleurer, hurler,
dire au monde cette insupportable
violence faite aux âmes naïves,
sinon, à quoi bon ouvrir grand les bras,
et les entrailles, les os tremblants,
lèvres humides de gourmandise,
et rire, rire, parfois comme un idiot,
devant l'abîme dévoilé
par l'éclat d'un regard malicieux,
à quoi bon se lever et courir vers la piste,
danser les yeux mi-clos, sentir les cheveux,
sentir la peau, vibrer au rythme d'une voix
venue d'on ne sait où, au-delà des océans,
juste pour soi, pour ce moment divin,
dans l'urgence de la vie et de la mort,
les statues se taisent, elles savent,
n'arrêtent pas de le chanter,
à l'une il manque une main, à l'autre
un bout de pied ou le sexe, qu'importe,
je voudrais les serrer dans mes bras,
respirer leur parfum de pierre,
m'en imprégner autant que du tien,
ne rien attendre d'autre,
dans la douceur d'une nuit apaisée.

(21 juillet 2015)
Toulouse, Grand-Rond, 19 juillet 2015, 17h19. ©JJMarimbert



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