De ma fenêtre

De ma fenêtre
Toulouse, 5 juillet 2014, 21h15

dimanche 14 juin 2015

La nuit 95


La nuit, où vont les îles, demande l'enfant,
qu'ont-elles donc à toujours dériver, partir,
l'horizon touche-t-il le ciel, là où elles sont,
y a-t-il sous terre un fil et de quelle couleur,
pour les rejoindre si elles sont perdues, non,
les îles ne se perdent pas, ce sont mes yeux,
ou mes rires les font-ils fuir, ou mes pleurs,
mes doutes et mes colères, qui ne sont rien,
ou si peu, comparés à mon amour des îles,
peut-on aimer une île, la nuit où vont-elles,
mais l'homme ne sait pas, personne ne sait,
la mer garde bien les secrets, plonger suffit,
chaque poisson en est un, muet, ébahi, naïf
il lance au loin des regards ronds d'horloge
sans aiguilles, le temps coule-t-il sous l'eau,
l'enfant essaye de voir au fond de la pupille,
mais le poisson est mort, l'œil opaque, non,
s'entête, au fond il y a une autre mer, dit-il,
avec d'autres poissons, dans mes yeux aussi,
l'homme ne sait pas, n'a jamais su, a oublié,
sur terre on perd le sens de l'eau, et les îles,
à force de marcher en tout sens, le cœur sec,
les villes naissent, rues, terrasses, hôpitaux,
un bric-à-brac où on entre et sort, et cherche
une île, mais la nuit, les îles n'ont que faire
de ce fouillis, le vent les pousse au loin, là
où nul bateau n'a jamais accosté, tandis que
les nuages d'alevins, pris dans les courants,
frôlent les anémones, les débris de coques,
les anfractuosités de roche noire pour abri,
les secrets sont bien gardés, l'enfant me fixe,
son rire éclate en écume sur le sable, la nuit,
je t'ai parlé de l'enfant, de sa course folle vers
l'horizon, moi si lourd, il reste bien la danse,
oreille collée à un coquillage, à une bouche,
et le parfum de ta peau au soleil de minuit,
l'enfant se tait, une île passe sous le balcon,
disparaît derrière les cyprès bleus d'Arizona.

(14 juin 2015)
Oostende, 19 avril 2015, 12h21. ©JJMarimbert


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