De ma fenêtre

De ma fenêtre
Toulouse, 5 juillet 2014, 21h15

lundi 5 janvier 2015

La nuit 41


Il arrive que la nuit tombe très tôt,
est-ce le jour, à peine éclipsé,
encore hésitant, déjà l'emportent les ombres
sur l'incessante bataille des couleurs,
cela se produit n'importe où,
caisse de magasin, bouche de métro,
l'escalator livre en douceur sa cargaison
de jambes pressées, de cartables, de journaux,
de visages penchés sur de petits écrans bleus,
dans la rue, je suis sur la rive, attends le bus,
il flotte sur l'asphalte, gai, lumineux,
il sauve le monde, recueille les naufragés du jour,
repart, rejoint l'horizon,
parfois je me dis qu'il s'envole,
la nuit le soulève, les feux balisent la piste,
vert, orange, rouge,
le Monument aux Morts soutient le ciel,
les grands platanes agitent leurs bras,
le jour meurt sans une larme,
pourtant c'est peut-être le dernier,
personne ne sait,
personne ne se pose la question,
je regarde les trottoirs,
pense aux forêts d'Afrique,
tecks, flamboyants, arbres à pain, à saucisson,
les maquis brillent du feu où grillent les poulets,
dans le bus les têtes bringueballent,
le chauffeur fend la houle,
les roues éclaboussent les passants de latérite,
dans un long feulement exténué
la porte s'ouvre et je saute sur la berge,
la nuit m'attend,
je marche lentement, rue déserte,
longe les rails, un roulant, déjà,
tape sur le fer, badam-badam,
les cyprès dansent avec le lampadaire,
je grimpe l'escalier quatre à quatre,
vite, ma fenêtre, ouvrir,
lever les yeux bien haut,
guetter les derniers rayons,
derrière les façades, tout là-bas,
la Garonne s'amuse à lécher les briques,
d'un coup l'océan engloutit le soleil.

(5 janvier 2014)
Toulouse, 7 décembre 2014, 17h10. ©JJMarimbert


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