De ma fenêtre

De ma fenêtre
Toulouse, 5 juillet 2014, 21h15

samedi 13 septembre 2014

Sauvage ontologie 17


Les tables mâchent en silence
le monde est mordu au cœur
tenu serré entre les dents
lèvres maculées de sucre
fenêtres fermées sur les jardins
glacés d'effroi d'indifférence
les arbres sans oiseaux jettent
leurs squelettes à l'océan
les rues se gavent de sable
au port les bateaux attendent
visages penchés sur les assiettes
décorées de mirages assassins
cliquetis d'acier de terre cuite
pas un mot pas une mouche
l'eau des verres est trouble
ne plus croire ne plus voir
ici là leurres et mensonges
les écrans servent la soupe
dans des passoires en or
pas une bribe de ritournelle
d'air fredonné non tout est tu
les sourires sont de carnaval
les yeux de porcelaine rayée
beauté pâture des fourmis
de fil en aiguille de l'être
la bouche se coud de l'intérieur
approchait-il de la boulangerie
vitrine ornée de pains en forme
d'animaux de bonshommes de fleurs.


En vue de Tarifa s'endormir
en criant lutter
port brûlé de silence
petites routes défoncées
par la famine l'ombre policière
l'acier froid des fusils
les bicornes de carton-pâte
faire de la nuit le jour
boire la poussière des nuages
des oliviers de marbre
des écorces de chênes
des statues rongées de ciel
s'assoupir assommé au milieu
des chicots d'une ville assiégée
depuis des millénaires
d'un bond se lever
jeter des pierres au loin
chasser les ongles noirs
les yeux ensanglantés
nourrir les oiseaux et les rêves
lancer aux quatre vents le nom
d'une femme drapée
visage de l'ange au détour
des rues des nuits des forêts
patience des marins
montagnes asséchées où résonne
le mythe aimer aimer aimer
n'avoir rien d'autre à soi
marcher à travers champs
guetter l'être à venir
rangeait-il son bureau
espérant retrouver une bague
bien trop grande
venant d'un jeune aïeul
mort gazé à Verdun.


Gouttes de rosée sur la pierre
le brouillard se dilue s'effiloche
glisse en lambeaux à-pic rugueux
ivre l'eau coule dessine le relief
les choucas sucent la mousse imbibée
soleil encore caché derrière les cimes
isolées en plein ciel neiges écarlates
une chevelure d'ange se tisse peu à peu
enserre les pâles éboulis pentus
premières touffes premiers sabots
les ruisseaux brillent dans le soleil
chantent murmurent sous les fleurs
sautent joyeusement les roches
petites cascades invisibles rejoignent
un méplat gorgé d'où s'échappe
jeune bison qui scintille caracole
courant grondant de plus en plus
l'être libéré l'être à jamais seul
torrent solitaire il creuse son chemin
entre noirs rochers failles et sapins
sculpte le pied de la montagne
à corps perdu se jette dans la rivière
étonnée de tant de vigueur enfantine
elle qui paisiblement traverse villages
et prairies où se délectent les vaches
coupa-t-il un morceau de pain
pensant soudain à un souk
bruyant coloré de son enfance
parfums mêlés menthe fraîche
coriandre et fleurs d'orangers.

(13 septembre 2014)
Tarifa, 18 mai 2007, 8h14. ©JJMarimbert


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