De ma fenêtre

De ma fenêtre
Toulouse, 5 juillet 2014, 21h15

mercredi 10 septembre 2014

Sauvage ontologie 16


Silence du grand pin bleu
une lumière hésitante glisse
entre les branches piquées
d'aiguilles immémoriales
le tout est suspendu au ciel
les anges dorment encore
ne s'éveillent qu'aux astres
les cigales se languissent
d'avoir trop attendu la nuit
muettes dans la touffeur du soir
décor posé sur les lauriers
le buis le lilas l'amandier
fraîcheur de tonnelle à l'abri
des secousses du monde
petits verres de vin blanc
rires gourmands d'amitié
frisson de l'univers flottant
l'écureuil attentif à tout
se dresse nez en l'air puis
boit dans une vasque d'eau
l'être accueille alors en lui
d'anciens embruns de joie
bribes de beauté évanouie
tentant de suivre des yeux
le duo de deux papillons blancs
tournoyant ballet soudain happé
par l'entrelacs des branches
observait-il au fond de son bol
un brin de thé capricieux
tandis qu'au loin la ville
s'éveillait dans le brouhaha
des rues des places des cafés.


En lisière de pinède un banc
au pied de dunes battues à l'est
le souffle rauque de l'océan
rendait l'ailleurs présent
sur le banc un oiseau extatique
surgi du tapis d'aiguilles
rien ne bougeait hors ses yeux
de grandes touffes d'oyats
frangeaient la crête de sable
tache rouge d'un seau de plage
oublié par un enfant perdu
poursuivant une libellule
ou déposé là furie des marées
donnait au paysage la saveur
d'un crime ancien d'un amour
lacéré par l'impassible houle
rongé de sel de soleil et de vent
paroles envolées tombées
au fond du seau de sang
l'oiseau sur le banc éreinté
les pins couchés par le galerne
les oyats blonds dominant
l'horizon des tempêtes
donnaient à l'être la force
de croire le crime enfoui
criblé de sable gris en rafales
le seau vide de toute parole
et que l'ailleurs y chantait
le souvenir d'une vie immergée
d'un visage caressé par le temps
lisait-il la notice d'un appareil photo
au moment où passait à sa fenêtre
un grand vol d'oies sauvages.


Rues envahies soleil de nuit
bruits étouffés lointains niés
bouches de sable lèvres collées
le mensonge suinte aux narines
marche forcée du monde
gravats de séismes de guerres
abandon des arbres des fleuves
bêtes et hommes parqués
mépris de tout des enfants
des têtes vides tranchées à vif 
les pas résonnent contre les murs
couloirs pentus escaliers borgnes
ne persiste au cœur du retrait
plus rien de l'être faïence éclatée
crisse sous le sang des pieds
chaque goutte contient l'être
bleu des profondeurs cris noyés
néon du hasard inutile béance
se réveiller se lever s'ouvrir enfin
boire l'eau fraîche le bleu du ciel
se laver offrir sa peau à la caresse
au vent marin son corps fourbu
et quelques mots à l'horizon
pour faire taire les bottes
dérisoire et puissante parade
à la violence plantée en elle
essayait-il vainement de
mesurer l'épaisseur du désert.

(10 septembre 2014)
Toulouse, 7 décembre 2013, 9h03. ©JJMarimbert


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