De ma fenêtre

De ma fenêtre
Toulouse, 5 juillet 2014, 21h15

jeudi 12 février 2015

La nuit 58


La nuit creuse une galerie sans fin, non,
propension maladive à forger des images
là où l'obscurité l'emporte sur tout, sur soi,
fausse pénombre d'où jaillissent fumeroles
et coulées de lave, oh, quelle platitude,
et l'air me manque, oh, le silence me tue,
je bricole, lamentable, rien ne tient, rien,
je voudrais être fou, là oui, un volcan,
ou danseur de corde, dresseur de puces,
le chapiteau résonnerait de cris d'enfants,
nuit noire et d'un coup, roulement, éclair,
nuage de vapeur bleue, oh, j'ai huit ans,
mon vélo, ce vélo que je n'ai jamais eu,
je tourne sur la piste, mille yeux m'épient,
debout sur la selle, je tends les bras, ah,
oh, j'allais à pieds, chemin de cailloux
bordé de mauvaises herbes, fleurs jaunes,
je tape dedans, dans mon cartable, rien,
l'orchestre explose, cuivres et cymbales,
costumes rouges gansés d'or, casquettes,
j'attrape une corde, dans la rue il pleut,
la nuit s'épaissit, tu es sur le trapèze,
je n'ai jamais eu ce vélo, je m'en fiche,
le vélo tourne, seul, dans le cercle doré,
encore deux ou trois scènes et, oh, tu ris,
enfin, ton visage est caché, comme si,
des bouts de phrases pendent au plafond,
des stalactites de ma vie, des restes épars,
et mon œil d'éléphant de cirque, raviné,
je m'énerve, la nuit est une pâte, un tube,
si je ferme les yeux je m'enfonce et coule,
au centre de la piste, des sables mouvants,
je suis accroché à ma corde, ça tourne et,
la nuit est un trapèze, je bricole des riens,
je tape dans des cailloux, ne sais où je vais,
il suffit que je bouge un peu, quand je pense
à tout ce qu'il y a dehors, oh, j'ai le vertige.

(12 février 2015)
Toulouse, 3 février 2015, 16h21. ©JJMarimbert


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire