De la nuit les étonnants méandres,
résister, non, je me laisse dériver,
corps et âme pour ainsi dire déliés,
de mangrove en banc de sable ou
de galets, d'îlot en coude abyssal,
pour seul repère le clapotis du drap,
ciel d'Angelico piqueté d'étincelles,
l'esquif bricolé, ni rame ni godille,
de guingois frôle, racle les rochers,
à fleur d'eau, je caresse les algues,
ou surplombe, dans le silence mou
des forêts humides, arbres gouttant,
à peine éraflé, murmure des oiseaux,
des singes, et fond de vieux tamtams,
une montagne d'eau, une masse liquide,
reconnaissant à grand-peine mon reflet
lorsque, pris d'une irrésistible curiosité,
les mains crispées sur un pivot rouillé,
je tente en vain d'apercevoir le fond,
plongeant alors je défie le grand froid,
ici et là, d'étranges créatures sans nom,
l'être se dilue à l'approche du cœur,
fourbu, jamais il ne renonce, attrape
au creux d'une faille une image floue,
scène enfantine ou lambeau d'avenir,
et remonte, pâle, vers la surface lisse,
mais il arrive que, miracle du boréal,
coupant le courant à la force du regard,
accroché à la rive opposée, les poings
serrés, se dessine, au milieu des éclats
d'argent, poissons devinés et fuyants,
un visage inconnu, offert, dont je sais,
certitude du corps, qu'il est tien quand,
là-bas, invisibles, grondent les chutes,
sous l'arc-en-ciel des embruns irisés.
(28 mars 2015)
Toulouse, Ficus, 28 mars 2015, 5h59. ©JJMarimbert
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