De ma fenêtre

De ma fenêtre
Toulouse, 5 juillet 2014, 21h15

vendredi 1 août 2014

Manger le monde


Ce matin la fenêtre a bougé
pas le tapis les meubles dormaient
bibelots canapé lampe fauteuils
enfin l'un des deux était
n'était plus à la même place
non pas une question de lieu
il reste figé sur le seuil
des traces de rêve au fond
des yeux toujours le même
la fenêtre a bougé a reculé
il avance traverse la pièce
enfant sur un vélo dévalant
une pente et tout en bas
n'atteint pas la fenêtre
une robe noire et des arbres
pâleur d'un visage souriant
il tend les bras soudain
le tableau de Goya
trois mai mille huit cent huit
nuit noire un mur des morts
soldats fusils braqués vers une
silhouette blanche face aux balles
il avance tient la fenêtre se crispe
à quoi pensait-il cet homme
au moment précis où le monde allait
pénétrer au profond de son corps
basculer se fondre en lui et
lui être retiré englouti comme lui
le vélo s'emballe l'enfant rit
ce n'est plus un enfant
c'est lui à la fenêtre
les cyprès se détournent
aux murs les tableaux se creusent
les arbres peints flottent dans l'air
happés par la fenêtre
elle a bougé il comprend alors
que le monde a basculé
au fond de son ventre
ce matin il a mangé le monde
seul son rêve persiste
la robe s'envole vers les cyprès
alors la fenêtre bouge
il ouvre grand la bouche et parle
les mots s'écrasent sur les murs au sol
dans un bruit de vaisselle cassée.

(2 août 2014)
Toulouse, 31 octobre 2013, 7h09. ©JJMarimbert


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